Tallia, Ethinor et Jermold ont été promus diplomates. Les dirigeants mélthènes les chargent d’une mission prestigieuse, de la plus haute importance : négocier auprès des Goscrans, les charmants voisins aux mœurs… spéciales, les conditions d’exportation des furets. Rien que ça ! Et accessoirement, s’ils en ont le temps, découvrir pourquoi, à la cour goscrane, tous les espions mélthènes ont disparu. L’espionnage est affaire d’intuition, de chance, de savoir-faire, de déduction et de discrétion. Autant de qualités qui font totalement défaut aux trois aventuriers. Alors, aucune raison qu’ils ne réussissent pas… Si ?
Chronique :
« Bons baisers de Goscranie » est le second tome de « Deux Zéros et demi ». Il peut néanmoins se lire indépendamment, et même si l’on croisera quelques références au premier opus, elles sont surtout l’occasion pour l’auteur d’en faire un peu de publicité. D’ailleurs, alors que je prends souvent pour exemple Terry Pratchett quand je parle de Guillaume Lecler, c’est finalement à Astérix que ce tome m’a fait penser plusieurs fois. L’humour est fin, beaucoup moins potache que dans « Deux zéros et demi », et le premier tome y est uniquement mentionné pour expliciter la présence de certains personnages. La construction du récit est plus aboutie, la narration est plus stable. Il faut être assez attentifs aux dialogues cependant, il est très facile de se perdre dans les échanges entre les personnages. Pas parce que ce n’est pas clair. Simplement parce que l’esprit doit être assez vif pour saisir les nuances qui y sont glissées. Et là encore, l’auteur réussit avec brio à faire passer quelques critiques sociales et références culturelles ça et là, l’air de rien. Comme Goscinny et Uderzo, Guillaume Lecler, qui est, je le rappelle, indépendant, se paie même le culot d’intégrer quelques anachronismes pour mieux ficeler l’intrigue et respecter les codes de la Light Fantasy.
Si je devais qualifier ce roman en un mot, je dirais qu’il est fin. Je ne parle évidemment pas de l’épaisseur du livre, mais de l’intelligence et de l’humour de l’auteur. Contrairement à « Deux zéros et demi », dans lequel on pouvait noter quelques passages plus lourds et un peu poussifs, « Bons baisers de Goscranie » se contente de l’essentiel, sans essayer d’épater avec des fioritures. Il n’en est pas moins drôle pour autant. Bien au contraire. Je dirai qu’il est plus… adulte, plus réfléchi. On ressent même une certaine sérénité à la lecture. Le style est plus imagé, plus visuel, et le rythme de récit est très similaire à celui d’une bande dessinée. C’est une chose que j’ai vraiment beaucoup appréciée. On voit d’ailleurs, de-ci de-là, des adaptations BD de certains romans, je suis certaine que nos trois antihéros feraient un carton dans le domaine de la bulle.
Je pense ne pas me tromper de beaucoup en parlant de lecture à plusieurs niveaux. Et encore une fois, on se rapproche du concept des « Astérix ». Ce livre peut-être parcouru au premier degré : trois clampins incapables à qui l’on confie — une de fois plus — une mission improbable histoire de s’en débarrasser, qui finiront, contre toute attente, par sauver le monde (ou presque), sans le faire exprès. Le lecteur passe un bon moment, il sourit pendant deux heures, referme le livre et vaque à ses occupations. Merci bien. Mais en y regardant de plus près, l’histoire est bien plus profonde que ça, et l’on sent que l’auteur veut dessiner doucement, sous sa plume, les caractéristiques de notre société. De la critique du monde du travail à l’hypocrisie économique en passant par la condition féminine, le système contemporain s’invite très intelligemment et très finement chez les Goscranes. Les personnages en ont, eux aussi, profité. Ils ont malgré leurs défauts naturels, qu’on adore, beaucoup plus d’étoffe et de maturité. Je salue d’ailleurs, exactement pour la même raison, la couverture du livre, qui cristallise totalement cette impression. Dans un dessin d’une précision exceptionnelle, Alex Lecler, qui n’est autre que le frère de l’auteur, et qui avait déjà réalisé l’illustration du premier opus, utilise (sur demande de Guillaume Lecler) l’anthropomorphisme pour représenter Thallia, Ethinor, et Jermold. Au départ, on se dit simplement que l’image est jolie, bien exécutée. Mais quand on referme le livre, toute la cohérence entre l’intrigue et la couverture se révèle.
Infos Pratiques :
Date de sortie : 7 mai 2018
Autoédition
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