Jusqu’où pouvons-nous aller pour satisfaire notre soif de vengeance ? Jusqu’à la perversion de notre propre âme ? Jusqu’à l’affadissement de nos convictions les plus profondes ? Tout est possible, d’autant plus que la douleur décuple les ressentis, exacerbe les passions, allant jusqu’à travestir nos propres croyances et interdits. Si vous aviez le destin du meurtrier de votre fille entre les mains, que feriez-vous ? Moi, je le sais… »
J’ai renâclé longtemps à lire du « Gilles Caillot » car j’ai vu beaucoup de retours soulignant la noirceur et la dureté de ses livres. Mais en même temps aussi beaucoup de très bonnes critiques. Alors, j’ai tergiversé pendant un bon moment, en me disant qu’il y avait tellement d’autres bons auteurs à découvrir que ce n’était pas grave si je m’épargnais la difficulté de lire celui-là. Et puis je suis allée au Salon de Fargues. Et je l’ai rencontré. Cet homme (père de famille nombreuse) possède une aura tellement mystérieuse, il paraît si calme et serein, gentil (et oserais-je dire sexy ?), que je n’ai pu m’empêcher de me faire dédicacer un de ses livres. Le moins dur m’a-t-il dit. Argh …
L’histoire, terrible, aborde les pires sujets, pédophilie et meurtre d’enfant, mais aussi vengeance, tortures et manipulation mentale, les plus difficiles à mes yeux de mère. Scènes dures mais aussi très crues parfois, bien que jamais gratuites. Certaines sont empreintes de pudeur ou juste suggérées afin de nous épargner des détails qui ne s’avèrent pas nécessaires. Et je me suis perdue dans ce livre et ne l’ai pas trouvé aussi difficile que je le pensais de prime abord. M’endurcirais-je avec le temps ? Ou bien l’histoire et l’écriture de Gilles m’auraient-elles engloutie tout à fait ?
Car ce thriller est aussi très psychologique et laisse la part belle aux sentiments et aux ressentis de tous les acteurs du drame. On est tour à tour projeté dans la tête de chacun des protagonistes et la lecture se doit d’être assez attentive et soutenue pour pouvoir s’y identifier. Les paragraphes courts stimulent notre envie irrépressible de continuer, d’en savoir plus, mais nous font parfois difficilement passer de l’un à l’autre. Cependant, on est pris dans un véritable tourbillon d’émotions qui fait que cela fonctionne malgré tout. Construction au cordeau, écriture incisive, percutante, qui ne nous ménage pas le moins du monde. Rien n’est laissé au hasard, tout est disséqué, les rouages de l’intrigue comme les ressentis des personnages au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire.
On est soumis à une ambivalence des sentiments qui nous pousse à nous interroger, à nous remettre en question. On comprend et on déteste tour à tour. La frontière entre l’homme et le monstre est si fine et si ténue, si mince et si fragile que l’on découvre que la vie n’est pas un long fleuve tranquille, que la douleur peut mener à la folie, qu’une personne tout à fait ordinaire mais malmenée par la vie peut accoucher d’un monstre ou bien que le monstre n’est pas forcément celui qu’on croyait.
La révélation finale contribue à faire indubitablement de cet ouvrage l’un des meilleurs thrillers qu’il m’ait été donné de lire ces derniers temps. La fin, même si je n’en voyais pas d’autre, est tout simplement terrible. L’intrigue se révèle dans toute sa complexité et les zones d’ombre s’éclairent, toutes les pièces du puzzle s’emboîtent parfaitement.
Je ne peux faire autrement que vous conseiller de lire cette petite merveille magistralement construite et menée, si tant est que vous supportiez les sujets quelque peu difficiles. Pour ma part, et malgré tout, je crois que je me laisserai tenter de nouveau par les œuvres de Gilles.
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