« Je suis née au goulag le 22 décembre 1952 dans le village de Togour, district de Kolpachevo, région de Tomsk. Deux fois par mois, mes parents devaient obligatoirement se rendre à la komendatoura pour pointer. Ainsi, les instances de surveillance soviétiques s’assuraient que les déportés n’avaient pas quitté arbitrairement le lieu de relégation qui leur était assigné. Mes parents n’ont pas voulu offrir d’autres esclaves au pouvoir soviétique, je n’ai eu ni frère ni sœur Nous sommes rentrés en Lettonie le 30 mai 1957. » Juin 1941 : les autorités soviétiques, qui occupent le territoire de Lettonie depuis un an, organisent l’une des plus meurtrières vagues de répression dans le pays en déportant par convois entiers la population civile. C’est le début de l’horreur pour des dizaines de milliers d’innocents qui disparaissent sans laisser de traces dans les immenses étendues glacées de Sibérie, usés par les privations, ou torturés puis exécutés dans les geôles du NKVD. La famille de Sandra Kalniete ne sera pas épargnée. Sa mère, Ligita, a quatorze ans et demi lorsque, le 14 juin 1941, elle et ses parents sont emmenés. Son grand-père Janis est séparé des siens dès leur arrivée en Russie ; il mourra dans l’enfer des camps. La famille de son père Aivars connaîtra le même sort quelques années plus tard. Sandra est rentrée dans son pays en 1957. Elle n’avait que cinq ans mais jamais elle n’a oublié le regard de sa mère quand celle-ci a pu à nouveau fouler et sentir le sol letton. En escarpins dans les neiges de Sibérie raconte l’histoire bouleversante de sa famille et, à travers elle, celle de tout un peuple qui ne retrouvera sa liberté qu’en 1991, au prix d’énormes pertes humaines et de souffrances imposées par cinquante années d’occupation soviétique.»
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. »
Winston Churchill
Le lendemain de la publication de ma chronique sur « Treize années à la cour de Russie » alors que j’écris les premiers mots de cette chronique-ci, je reçois un numéro spécial d’Historia dédié aux Romanov et aux centenaires de la révolution d’octobre. Cette révolution eut d’immenses conséquences que le livre de la chronique d’aujourd’hui met très bien en valeur à tel point que j’hésite à l’acheter et à vous le recommander. C’est pourquoi je vais souvent être vague sans donner de détails dans cette chronique.
L’auteur de ce livre est Sandra Kalniete une femme illustre aux nombreux accomplissements politiques et littéraires. Il m’est parfois arrivé d’envier l’image des héros de guerre ou des grands témoins, sauf que ce que j’ai souvent oublié dans ces moments, c’est que pour avoir cette image, il faut parfois traverser des épreuves très dures.
En tout cas, si vous ne connaissez les goulags que par les allusions dans « Amicalement votre », « Blake et Mortimer », « James Bond » ou les brèves données des cours d’Histoire à l’école, alors c’est le livre qu’il vous faut (je le déconseille quand même aux enfants et aux personnes sensibles).
Le fait est que Sandra Kalniete est une Lettone née dans un village soviétique (dans la Russie actuelle) de parents déportés.
Je pense que je n’aurais pas été capable d’imaginer ce qui s’est passé durant cette période sans l’aide de ce livre.
À première vue, seul le contenu le différencie des témoignages de mes trois dernières chroniques. Il reprend l’usage des photographies notamment (et je ne vais surtout pas le lui reprocher).
En tout cas en ce qui concerne la rédaction il est très bien écrit et très bien détaillé (même beaucoup trop détaillé par moments, mais ce livre est un des cas où il vaut mieux trop que pas assez). J’admire le courage et le travail de l’auteur et de sa famille lors des faits relatés et lors des travaux ayant permis d’écrire cet inestimable témoin. Je pense qu’il mériterait d’être bien plus connu.
L’une des grandes différences avec mes trois derniers témoignages, c’est la présentation. Je m’explique : dans ce livre l’auteur combine l’Histoire de son pays et celle de sa famille. C’est très bien fait et là encore digne des précédents témoignages chroniqués par ma main. Avant je connaissais à peine un pays balte plus qu’un autre, maintenant il en va autrement. C’est une corrélation très puissante que j’apprécie particulièrement. Mais je m’égare, en soi les parallèles pays/personnages sont présents dans tous les témoignages que j’ai chroniqués avant. Ce qui rend le parallèle de ce livre si spécial c’est que l’Histoire du pays et celle des personnages suivent exactement la même direction. En effet, Malala, les sœurs Ling, et les derniers Romanov ont eu des destins d’exception hors du commun. Ici c’est un destin quasi identique pour tout le monde (on retrouve également cette caractéristique dans les livres sur la Shoah). Certes, il y a des différences à certains niveaux (je vous l’accorde, l’histoire et le parcours de la famille de Sandra Kalniete sont uniques à une certaine échelle). Mais la « beauté » (choix de mot difficilement pertinent pour un pareil livre d’où les guillemets) de cette caractéristique, c’est qu’elle permet une autre forme de personnalisation. Cette fois, l’Histoire d’un peuple n’est pas racontée à travers l’histoire d’un grand nom (Sandra Kalniete a passée très peu de temps en exil, son livre parle surtout de ses parents et grands-parents en ce qui concerne sa famille), mais à travers celle de personnes « ordinaires » (il m’est difficile de réussir un choix de mots pertinent, désolé). Cela introduit une plus grande notion de proximité et apporte beaucoup de puissance et de majesté à l’œuvre.
J’y pense, si vous avez chez vous des objets bizarres dont personne dans votre famille ne connaît l’origine, il est probable que ce livre vous apprenne d’où ils viennent. L’auteur donne à au moins un moment, le détail d’objets ayant appartenu à l’entourage de ses parents et dont on ignore ce qu’ils sont devenus après les tragiques interventions staliniennes. J’espère que ce livre permettra de les retrouver et après toutes les coïncidences de mes précédentes chroniques, je ne serais pas étonné si l’on m’apprend un jour qu’un de ces objets était en votre possession et que ce livre vous permit de le réaliser.
L’une des choses que j’apprécie beaucoup dans ce livre, c’est qu’il nous rappelle (encore une fois) que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire.
J’aime aussi beaucoup la façon dont il montre comment les nazis furent perçus comme des libérateurs par les habitants des territoires soviétiques qu’ils envahissaient (cette perception n’allait pas durer). Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, je vous invite à regarder la série jointe ci-dessous (elle a des sous-titres en français).
Il y eut la même chose en Asie avec les Japonais (vus comme libérateurs par les peuples colonisés).
En parlant de Staline, il y a un constat récurrent que je fais concernant l’Histoire de la Russie.
Il semblerait que régulièrement un homme appelé à diriger le pays a des humeurs, des comportements pas très enviables que son épouse arrive à faire disparaître le temps de son mariage (GIRL POWER ?).
Ce fut le cas pour :
–Ivan le Terrible :
–Le fils de Catherine la Grande :
-Staline :
Ainsi donc, j’aurais fini cette chronique 100 ans semaines pour semaine après la révolution d’octobre (oui parce que la Russie Orthodoxe avait refusé le passage au calendrier grégorien d’où le décalage des révolutions de février et d’octobre avec les dates en vigueur dans les calendriers français d’il y a cent ans). Et un an jour pour jour avant le centenaire de l’armistice de 1918.
Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, je vous invite à regarder la vidéo jointe ci-dessous (elle a des sous-titres en français).
Je m’excuse pour ma lenteur, j’ai sous-estimé le point auquel ma vie d’étudiant pouvait me ralentir.
Dans tous les cas, je vous remercie d’avoir pris sur votre temps pour lire cette chronique.