Et puis mourir – Jean-Luc BIZIEN

Plusieurs samedis d’affilée, alors que tous les services de police de France sont mobilisés par les manifestations des gilets jaunes, de meurtres sont commis dans les beaux quartiers de Paris. Cela pourrait être l’œuvre d’un déséquilibré qui aurait poussé jusqu’à la vengeance les revendications de justice sociale, mais le commandant Jean-Yves Le Guen n’y croit pas.
Avec son adjoint, le capitaine Patriziu Agostini, ils jouent contre la montre. Car l’idée d’un «  meurtrier gilet jaune  » menace de faire l’objet de récupérations politiques qui ne feraient qu’empirer la situation – et le prochain samedi de protestations se rapproche …

Je découvre seulement Jean-Luc Bizien avec son dernier roman, et cela même si je vois fleurir de bons retours sur ses livres depuis longtemps et que deux amis proches me l’avaient fortement recommandé. Nick Gardel tout d’abord, qui m’avait « interdit » de quitter le salon de Fargues 2019 sans être allé le voir, ce qui m’avait permis de discuter avec l’auteur et de me procurer Les veilleurs, et plus récemment Mehdy Brunet, à qui j’ai emprunté Et puis mourir, que j’avais glissé parmi ses cadeaux de Noël. Mais j’ai aussi dans ma pal depuis plusieurs années, Wonderlandz, appartenant au genre Fantasy. Il était donc grand temps que je m’y intéresse !

Comme le laisse deviner la 4ème, Et puis mourir est un roman policier mâtiné de thriller qui n’apparaît pas spécialement innovant par son sujet, mais qui le place dans un contexte politique particulier, celui du mouvement des gilets jaunes. Le chaos et la quasi-guérilla urbaine nés de ces revendications sociales servent à l’intrigue, mais permettent aussi à l’auteur de livrer son point de vue, son analyse sans concession bien que sans caricature ni propagande quelconque, des évènements eux-mêmes mais également des retombées médiatiques et des récupérations politiques dont ils ont fait l’objet.

Au milieu de ce désordre, se débattent des personnages non seulement fouillés mais auxquels on s’attache facilement parce qu’ils nous ressemblent. Ils pourraient être un voisin, un collègue ou un ami, quelqu’un de notre famille, vous ou moi. Car chacun d’entre nous a vécu cette révolte sociale, de près ou de loin et, à la lecture de l’intrigue, peut se sentir concerné. Jean-Luc Bizien brosse les portraits de ses protagonistes avec intelligence et finesse, et aussi bien Gabriel que les deux fortes personnalités que sont les flics nous paraissent réels, crédibles, humains avant tout. L’auteur pose aussi un regard lucide sur le boulot de flic, sur les devoirs liés à la fonction mais aussi sur les principes moraux des hommes derrière l’uniforme, qui ne sont pas toujours en accord. Les différences entre la loi et la justice, vues à travers le prisme de chacun, ainsi qu’une possible manière de les nuancer, sont illustrées par l’affrontement entre le commandant et son adjoint.

Malgré l’aspect très technique de l’enquête, de l’exploitation des scènes de crime, des procédures, de la hiérarchie et des méthodes d’investigation de la police dont nous fait part l’auteur, rien n’est superflu, au contraire. L’ensemble serait même plutôt épuré, sans blabla ni redondances, mais efficace et nerveux. Le style est solide, travaillé et précis. On comprend vite l’identité de l’assassin et la teneur de l’intrigue, mais nous les cacher n’est pas le but, l’intérêt résidant surtout dans le déroulement de l’enquête et de la traque et dans les motivations de la croisade menée par le tueur. Le résultat est un polar très actuel qui mêle codes du genre et réflexion sociale et qui a représenté pour moi une très belle découverte, ce qui me rend curieuse de découvrir et d’explorer un autre genre abordé par Jean-Luc Bizien, celui du roman post-apocalyptique, avec Les veilleurs.

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