Goliat – Mehdy BRUNET – Taurnada Éditions

La mer de Barents, au large des côtes norvégiennes : Goliat, une plateforme pétrolière en proie aux éléments déchaînés, est le sinistre théâtre d’une série de meurtres odieux. David Corvin, ex-agent du FBI, va devoir utiliser toutes ses compétences pour stopper l’hécatombe. Mais au bout du chemin, il risque de perdre son âme… Et bien plus encore…

J’ai tergiversé un moment quant à ma légitimité à rédiger une chronique sur le dernier livre de Mehdy Brunet, dont je suis plus que proche. Comment vous parler de Goliat, sans paraître de parti-pris ? Sans perdre mon impartialité de lectrice et ma neutralité de chroniqueuse ? J’aurais pu décider de passer outre, et c’est d’ailleurs peut-être ce que j’aurais fait si le bouquin ne m’avait pas plu. Mais il se trouve que je l’ai beaucoup aimé, et ça, je ne pouvais m’empêcher de le clamer haut et fort, et surtout de le partager. Et entre nous, au-delà de la joie de l’avoir apprécié, je reconnais que cela m’arrange bien !

Goliat est le troisième roman de Mehdy, après Sans raison, paru en 2015 et Le fruit de ma colère, en 2018, qui mettaient tous deux en scène le même personnage principal. J’avais vraiment aimé ces deux premiers romans, même si le second m’avait paru un cran en-dessous du premier. Goliat, par contre, est un thriller/policier totalement indépendant et une histoire complètement différente, bien que ce soient toujours les mêmes sujets que l’auteur semble avoir à cœur de traiter : la famille, l’amour, la perte, la douleur, la haine, la colère, la soif de justice, et de vengeance. Et avec ce thriller très noir, il confirme son talent.

L’histoire est très rythmée grâce à sa construction en courts chapitres situés à quatre époques différentes, mais au début il m’a fallu prendre quelques notes afin de m’y retrouver parce que je ne suis pas plus douée pour me repérer dans le temps que dans l’espace.

Extrait :

Abigaël est devant pour pallier mon sens de l’orientation au moins aussi efficace que celui d’une rondelle de saucisson. Son cerveau a déjà photographié et imprimé tous les couloirs que nous avons empruntés jusqu’ici, alors je me contente gentiment de la suivre. Je crois que c’est la chose qui l’énerve le plus chez moi, ça, cette totale incapacité à me déplacer sans avoir besoin de mettre en marche un GPS… ça, et peut-être ma mauvaise humeur du matin… peut-être aussi un peu de mauvaise foi… et… putain, il faut vraiment que je change si je veux avoir une chance de la garder.

 

[Mehdy, si tu t’es un tant soit peu projeté dans les défauts de ton héros, je tiens absolument à te prévenir que j’ai à peu près les mêmes. Enfin, à part la mauvaise humeur du matin… et la mauvaise foi évidemment, typiquement masculine !]

En fait, je me suis plus référée aux personnages pour m’en sortir car ce ne sont pas les mêmes qui entrent en scène selon les années concernées. On se doute bien que les différentes histoires ont un lien et qu’elles vont finir par se rejoindre à un moment ou un autre mais je suis restée dans le flou assez longtemps quant à l’identité du tueur (non celle d’origine mais celle qu’il a prise ensuite) et même à son mobile.

Finalement c’est à un huis-clos oppressant et anxiogène que nous assistons, dans le labyrinthe que représente cette plateforme pétrolière, lieu original s’il en est. L’angoisse et la tension sont amplifiées par le déchaînement des éléments et l’isolement des protagonistes. Quelques scènes glauques, mais que j’ai trouvées globalement moins difficiles à lire que celles figurant dans « Sans raison », raviront les lecteurs avides de gore et de détails sanguinolents.

Et, comme toujours dans l’oeuvre de Mehdy, on ne trouve pas qu’une histoire, mais aussi des axes de réflexion. Ici, deux sujets très durs et surtout « sensibles » en fonction des convictions de chacun, qui soulèvent le problème du choix et de ses « dommages collatéraux » ainsi que celui du respect de la dignité humaine. Je n’en dévoilerai pas plus afin de ne pas déflorer l’histoire.

La fin, absolument terrible, et, pour tout vous dire, que je voyais autrement, suscite beaucoup d’émotion à l’issue d’une course-poursuite haletante sur et dans les entrailles de la plateforme pétrolière, elle-même véritable personnage à part entière de l’histoire.

[Mehdy Brunet, tu es un vrai psychopathe et peut-être devrais-je avoir peur de te côtoyer de trop près ! Ceci dit, parmi les quelques petits textes que j’ai moi-même produits, il s’en trouve un qui « pourrait » laisser à penser que je « pourrais » être pire que toi… Mais on en reparlera…]

En résumé, je dirai que :

Avec mes yeux d’amoureuse, j’ai adoré ce roman et je suis fière de lui.

Avec mes yeux de lectrice, je me suis régalée d’un thriller original à la fin surprenante, et questionnée une fois encore sur la légitimité de la colère et de la soif de vengeance.

Avec mes yeux de correctrice, j’avoue que j’aime beaucoup le style de l’auteur, simple, mais pas simpliste pour autant. Il ne s’encombre pas de fioritures, va à l’essentiel avec une certaine force mais n’est dénué ni de finesse, ni d’humour. Par contre, j’ai relevé quelques petits problèmes de conjugaison et d’expression au sujet desquels je m’en vais de ce pas lui faire remontrance. Attention ça va latter !

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