Je pleurerai plus tard – Mathieu BERTRAND

Au cœur d’une petite ville de province, Patrice Lorenzi mène une vie rangée entre des semaines en déplacements professionnels et des week-ends en famille. Le jour où son enfant disparaît, ses certitudes sur la réelle valeur de l’existence s’envolent alors que sa vie de fonctionnaire modèle bascule dans l’horreur.

Une parole donnée et l’étrange proposition d’un inconnu aux allures de mercenaire vont l’entraîner dans un cauchemar dicté par la haine et animé par la vengeance. Le compte à rebours de son destin, désormais réglé sur huit semaines, ne lui laissera que le répit nécessaire à un seul et unique objectif : devenir un assassin.

Aujourd’hui sort en poche le deuxième roman de Mathieu Bertrand, Je pleurerai plus tard, que j’ai lu l’hiver dernier, un thriller psychologique très noir qui représente de la part de l’auteur une incursion hors de sa zone de confort puisqu’il nous a plutôt accoutumés à des thrillers/policiers ésotériques. Étonnamment, c’est peut-être aussi son roman le plus personnel, dans le sens où il y a mis beaucoup de lui, de sa vie, privée et professionnelle, jusqu’à son lieu de résidence de l’époque et même son chien. Il le reconnaît lui-même, il n’est pas à l’aise avec le genre thriller classique bien qu’il ait aimé écrire ce roman et en ait surtout ressenti le besoin. Une nécessité viscérale, dit-il, afin d’exorciser ses démons et notamment ses peurs de père.

C’est, je pense, de ce petit déséquilibre entre le manque de maîtrise du genre qu’il pensait avoir et le besoin profond de mettre ses tripes sur la table qu’une sorte d’ambivalence se crée au niveau de la forme. Le sujet est extrêmement difficile, toute l’histoire s’est avérée d’ailleurs bien plus dure que je ne le pensais en l’abordant, mais il me semble que l’auteur s’est un peu bridé sur la forme ou que, malgré tout, il ne s’y est pas complètement impliqué. Se lâcher aurait donné plus de force encore au récit, d’empathie pour les personnages et aurait amplifié nos sentiments à la lecture. Le protagoniste principal paraît parfois tellement détaché que je me suis demandé si c’était ce que voulait l’auteur ou s’il s’était trouvé en butte à une impossibilité d’ordre psychique à se mettre réellement en situation – et donc en danger. Cependant il faut reconnaître que la grande maîtrise de lui-même que garde le papa tout au long de cette terrible histoire est en parfaite adéquation avec le titre, au demeurant fort beau, et que c’était donc certainement le but recherché. La fin ne réserve pas de surprise, elle nous est annoncée très vite et je n’en voyais pas d’autre.

Quant au style, il s’avère solide, montre une évolution importante depuis le premier roman, bien qu’encore un tant soit peu scolaire et policé. Une fois de plus, même si l’ensemble est fort bien écrit, j’estime que l’auteur aurait gagné à se lâcher pour laisser place à son talent. Bien évidemment j’ai lu ses autres romans à la suite (pour en lire les chroniques, cliquer sur les liens des titres : Les émeraudes de Satan, Le manuscrit des damnés et La porte d’Abaddon) et je peux donc affirmer que sa plume s’est libérée depuis. Est-ce uniquement en raison de l’expérience et de la maturité ou est-ce dû également au sujet ? Une fois encore je me pose la question.

En attendant, Je pleurerai plus tard ne vous laissera pas indifférent car il s’agit d’un roman très fort, d’une noirceur extrême, racontant la descente aux enfers d’un homme ordinaire et auparavant plutôt comblé par la vie. La famille, l’amour, la haine, la violence, la perte d’un être cher, le deuil et surtout la vengeance en sont les thèmes principaux, propres à nous tirer les larmes aux yeux puisque nous pouvons facilement nous mettre dans la peau des personnages. Cependant le roman ne verse pas dans le pathos, la pudeur est de mise mais la dimension émotionnelle est importante et la violence psychologique intense. La construction est intéressante puisqu’elle commence par la fin et se termine par le début. Entre les deux, huit semaines qui s’écoulent presque comme un compte à rebours et donne une sensation de course contre la montre. Un excellent thriller que je vous engage à lire sans hésitation.

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