Rosy et sa mère ont quitté Ludwigshafen en 1937 pour vivre dans un village de Moselle. Or les Lorrains n’ont pas oublié l’annexion de 1871 et rares sont ceux qui leur tendent la main. Il est vrai que Mutti admire Hitler, méprise les curés, les juifs et les fonctionnaires, et que Mein Kampf est son livre de chevet… Pour la fillette, la vie n’est pas drôle tous les jours. Quand, en 1940, les armées hitlériennes s’emparent de la Moselle, leur sort s’améliore. Pas pour longtemps. A partir de 1944, alors que les Alliés pilonnent la région, Rosy et sa mère se terrent dans leur cave. Pour tenir, Rosy se raccroche à ses souvenirs, avec de maigres provisions et, pour toute compagnie, une petite poule et de drôles d’araignées aux pattes fines, que son oncle Edy surnommait « les tic-tac ».
Rosy et sa mère sont allemandes et protestantes et vivent en Moselle dans la maison de la grand-mère paternelle de Rosy, française et catholique, où elles sont tout juste tolérées car faisant partie de la famille. Le 26 août 44, à l’annonce de la libération de Paris et de la venue des Alliés, elles sont reléguées à la cave parce qu’allemandes. « Il n’est plus de bon ton d’héberger des boches. » Sous les bombardements alliés, Rosy nous raconte son histoire.
Sans prendre parti ni s’ériger en juge, l’auteure nous confronte avec les différences d’identités nationales, culturelles et religieuses qui s’entrechoquent au sein d’une même famille et dans cette région lorraine, tour à tour française ou allemande, au gré des périodes historiques et politiques et de l’issue des conflits.
Une histoire tragique qui nous conte les ravages de la guerre à travers les yeux d’une petite fille. Un récit qui reste pudique et sobre malgré le contexte et qui met en avant l’ignorance et l’innocence de l’enfance face à la folie du monde des adultes. Rosy est touchante et émouvante dans sa naïveté et son regard sur le monde qui l’entoure. Son récit est poignant, parfois cruel, mais toujours l’espoir demeure malgré la haine, la peur, la violence des mots ou au contraire le poids des non-dits.
Comme me l’a précisé Nathalie Hug sur sa dédicace « c’est un petit morceau de l’histoire de sa famille, souvenirs de sa mère et de son enfance mêlés » ; autant vous dire si elle y a mis tout son cœur et ses tripes. Une très très belle lecture.