Juliette, une mystérieuse joueuse d’échecs, se bat pour innocenter Gabriel, suspecté d’être le monstre ayant massacré une jeune Rochelaise, trois ans plus tôt. Intransigeante dans le jeu comme dans sa quête, elle n’a qu’une seule issue pour étouffer définitivement tout soupçon : identifier le véritable assassin.
Dans cette histoire contée à rebours, Juliette remontera le temps pour récolter les indices disséminés sur son chemin.
Mais elle devra se méfier, la réalité est rarement celle que l’on croit…
Il y avait bien longtemps que j’avais lu pour la dernière fois un roman de cet auteur dont j’ai pourtant presque tous les livres. Le dernier en date était Versus, qui a été primé aux Plumes Francophones en 2017, et dont je vous joins la chronique que j’avais effectuée à l’époque. J’avais beaucoup apprécié l’originalité de ce roman, qui ne traitait pas banalement d’un policier qui enquêtait sur un tueur en série, mais bel et bien d’un tueur en série qui recherchait son propre copycat ; singularité du sujet s’il en est, qui est un peu la marque de fabrique de Luca Tahtieazym.
Dans son dernier roman, La mante nue, au titre à double sens plus que suggestif, il se lance dans un pari plus qu’osé en nous livrant une histoire à rebours. Comprenez-moi bien, on ne commence pas juste par l’épilogue, comme c’est souvent le cas dans les thrillers, mais toute l’histoire est proposée à l’envers ! Le challenge était de maintenir l’intérêt du lecteur alors que celui-ci connaissait déjà la fin – on sait combien sont en attente du twist final et se retrouvent déçus si on ne leur en sert pas un –, l’exploit est d’arriver à créer du suspense et à provoquer des surprises malgré tout. En gros, on se doute bien du « parce que », reste donc à découvrir le « pourquoi ».
Alors évidemment, à construction exceptionnelle, lecture exceptionnelle et celle-ci vous demandera une certaine concentration ainsi qu’un peu de gymnastique neuronale car vous ne devez pas oublier que les protagonistes, eux, n’ont pas, comme vous, connaissance des faits survenus « après ».
Je ne parlerai aucunement de l’histoire, au risque de la déflorer et je me contenterai de citer quelques-uns des thèmes abordés : présomption d’innocence, vindicte populaire et inexorabilité de la machine à broyer que représente la justice (ou l’injustice) sont les plus prégnants, mais bien loin d’être les seuls. L’amour, la mort, le destin, le libre-arbitre, les personnages évoluent dans le maelström de la vie et aucun ne survit sans dommage. Ils sont forts, creusés, ambivalents et affreusement humains et on les découvre petit à petit, en remontant dans leur passé.
Extrait :
Je médite sur le sort, les voies, les choix, les couloirs qu’on emprunte et dont on ne sort pas, les boulets aux pieds et la lumière qui attire, trompe et se meurt avant qu’on ait pu se brûler en l’attrapant.
Quant au style, il a trouvé sa maturité en se bonifiant au fil du temps. Subtile mélange de simplicité et de richesse, composant avec un vocabulaire recherché, voire littéraire, il confine parfois à la poésie, et ce, notamment lors des descriptions. Si Luca Tahtieazym ne réside plus à La Rochelle, je sais qu’il y a vécu quelques années et ses lignes exhalent tout l’amour qu’il ressent pour cette région – qui est aussi la mienne.
Extrait :
… j’aperçois le bassin et le coucher de soleil qui l’écrase de toute sa vénusté. Les rayons cuivrés frappent l’onde, réverbèrent leurs lassos éblouissants sur les pontons qui coiffent les allées pavées de la promenade. La féérie des lumières qui gambillent à cette heure indue engage à la dolce vita, tout comme les langueurs océanes qui bercent et dorlotent.
La Mante nue est un roman noir au sein duquel une enquête prend corps. Il adopte également certains des codes du thriller, mais c’est surtout une véritable prouesse littéraire dans laquelle je n’ai pas décelé le moindre faux-pas.