J’ai lu ce livre dans le cadre du Prix des Auteurs Inconnus 2020 pour lequel je suis jurée dans la catégorie Littérature noire depuis sa création, il y a quatre ans maintenant. Avant toute chose, je vous rappelle que, pour effectuer notre présélection parmi les soumissions proposées par les auteurs (une soixantaine rien qu’en littérature noire cette année), nous avons en notre possession trois éléments : la couverture, la quatrième ainsi que les dix premières pages. Après avoir éliminé ceux qui comportent plus de trois fautes parmi ces dix premières pages, nous devons voter pour les cinq romans qui nous ont semblé les plus prometteurs, puis lire les sélectionnés en entier cette fois, avant de les chroniquer et de voter à nouveau afin d’élire le gagnant.
Lille. Église Saint-Maurice. Derrière le rideau rouge du confessionnal, une femme nue, agenouillée, le front posé sur ses mains jointes. Morte. Le corps est d’une pâleur spectrale. Au creux du cou, deux incisions évoquent le baiser d’un vampire… Et dans la croix en bois qui pend sur sa poitrine, des vers d’un autre temps. « Dans ton sang, ma chérie, je bois l’éternité… » Un étrange tableau pour une intrigue addictive.
La mémoire dans le sang est le quatrième roman que je lis dans le cadre du PAI de cette année et je précise qu’il faisait partie de mes présélections ; j’avais trouvé le début très alléchant et les dix premières pages bien écrites. J’étais donc très contente qu’il fasse partie des cinq finalistes. Sa lecture complète m’a confortée dans ma première impression puisque j’en ressors plus que satisfaite d’avoir fait une belle découverte.
Avant tout, que les allergiques aux créatures surnaturelles se rassurent : il n’y a rien de fantastique dans ce roman ! Nous avons là affaire à un policier à tendance thriller qui nous propose une enquête basée sur un jeu de piste qui prend ses sources dans le passé. Alors oui, on sait très vite qui est l’assassin, mais je ne crois pas que le but de l’auteure était de nous faire cogiter et douter à ce sujet tout du long, et franchement, pour moi ce n’est pas vraiment important. Le roman propose d’autres aspects très intéressants et fort bien développés.
Tout d’abord les personnages, qui sont l’atout premier de cette histoire. Complexes, très différents, originaux, leur psyché est fouillée, leur caractère fort bien brossé et leurs failles mises à nu et explicitées. Ce sont deux très beaux portraits de femmes que nous offre l’auteure. L’univers ensuite, sombre, nocturne, mais aussi quelque peu sensuel, qui met en exergue le mythe des vampires sans tomber dans les clichés habituels et qui affiche un certain nombre de références littéraires et cinématographiques qui me sont chères. Outre le thème du vampirisme, c’est le thème de la différence en général qui reste central, avec, au mieux, l’incompréhension qu’elle génère, et au pire, la haine et le mal qu’elle peut engendrer ainsi que les dommages collatéraux qui en découlent. Ici les différences sont celles de personnes atteintes de maladies rares et orphelines, d’autisme, mais elle sont aussi de l’ordre de l’orientation sexuelle. L’intrigue est bien ficelée et elle m’a tenue en haleine tout au long du livre ; jamais je ne me suis ennuyée. La construction narrative sur deux temporalités est elle aussi bien maîtrisée.
Enfin parlons de l’écriture qui est un autre point fort. Elle est travaillée, avec un vocabulaire varié et plutôt riche, elle est vive, enlevée et fort agréable à lire. J’ai relevé peu de coquilles mais la concordance des temps paraît être en option. Ce n’est pas la première fois que je fais ce constat ; j’ai malheureusement l’impression qu’elle montre une forte propension à tomber en désuétude.
Malgré ce léger bémol, ce fut une très belle découverte, voire une surprise car je ne m’attendais pas à être autant emballée. J’ai quand même quelque peu regretté de n’avoir pas lu auparavant le roman précédent, intitulé La nuit avalera le mal, puisque La mémoire dans le sang reprend ses personnages principaux et nous offre une suite directe. Si l’enquête est complètement différente, le premier relate leur histoire, leur rencontre et leurs interactions et j’aurais préféré avoir toutes les cartes en main concernant leur passé. Il va d’ailleurs rejoindre ma pal sans tarder. Rassurez-vous cependant, il peut être lu indépendamment sans gêne de compréhension aucune.
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