La tentation de Noé – Jérémy BOUQUIN

Ararat. En référence à Noé. Un village niché sur un plateau, au cœur des montagnes et de la forêt, isolé de tous, qui abrite une communauté autogérée où chacun a sa place, son rôle, et se sent protégé. Tous ont fui la civilisation, leur passé et surtout le « grand noir », ce jour où le monde a sombré.

Hélène, Antoine et son fils Guillaume, un jeune autiste, sont les derniers arrivés. Elle répare les moteurs, bricole les groupes électrogènes, fait de la mécanique. Lui, un ancien flic, essaye de travailler la terre pour nourrir sa famille.

Tout semble aller pour le mieux dans un quotidien entièrement tourné vers la survie, quand un jour on découvre dans les bois le corps d’un inconnu. Un « autre », qui vient de l’extérieur.

Que fait-il ici ? Qui l’a tué ? Il semble avoir été torturé. Pourquoi ? Par qui ?

La tentation de Noé est un roman qui se place dans un contexte post-apocalyptique, à la suite d’une panne mondiale généralisée nommée le « grand noir ». Ce thème a largement été abordé dans ce genre de littérature, mais ici, on a plus affaire à un roman noir et à un policier qu’à un récit de SF. L’histoire ne dépeint pas, comme souvent, un monde survivaliste cruel et primaire, avec des hordes d’humains qui se battent les unes contre les autres pour manger ou conquérir des territoires – et cela même s’il est évoqué que c’est certainement le cas hors du village. Elle nous fait partager le quotidien d’une petite communauté cachée, où la vie est organisée au mieux afin de faire face à la pénurie d’eau et de nourriture. Sont mis en scène des personnes comme vous et moi, qui tentent de s’adapter à de nouvelles conditions de vie et coexistent en bonne intelligence.

Jusqu’au jour où la découverte d’un inconnu assassiné fait tout basculer : la vie bien ordonnée du village vole en éclats et le roman noir se mue en roman policier. Antoine, ancien des forces de l’ordre, s’attèle à mener une enquête sans affoler tout le monde, mais la peur et la suspicion changent la donne, révèlent les défauts et les travers de chacun jusqu’à conduire à des actes extrêmes, voire inconsidérés.

Je me suis laissé prendre aux tripes par cette histoire simple, aux personnages bruts, comme taillés à coups de serpe, burinés autant par la sécheresse que par les événements auxquels ils sont confrontés. L’écriture sobre et singulière de Jérémy Bouquin y est pour beaucoup. Ses phrases courtes et son rythme haché confèrent indéniablement une grande force au récit et aux idées qu’il véhicule.

Les thèmes abordés sont multiples, entre autres et dans le désordre : la différence, l’amour, l’amitié, l’entraide, l’écologie, la responsabilité. En point d’orgue se pose une question cruciale : lors d’une possible apocalypse à venir, devons-nous nous refermer sur nous-même et tout recommencer de zéro ou bien nous battre et faire confiance au futur ?

La tentation de Noé est un très bon polar mais également un roman noir qui pose un regard lucide sur notre société en général et sur une microsociété en particulier afin de soulever quelques questions essentielles. Il est vrai que c’est là la spécialité de l’auteur : pointer du doigt les défaillances et les manquements de notre monde.

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