carine joaquim - nos corps étrangers

Nos corps étrangers – Carine Joaquim

 

Quand Élisabeth et Stéphane déménagent loin de l’agitation parisienne avec leur fille Maëva, ils sont convaincus de prendre un nouveau départ. Une grande maison qui leur permettra de repartir sur de bonnes bases : sauver leur couple, réaliser enfin de vieux rêves, retrouver le bonheur et l’insouciance. Mais est-ce si simple de recréer des liens qui n’existent plus, d’oublier les trahisons ? Et si c’était en dehors de cette famille, auprès d’autres, que chacun devait retrouver une raison de vivre ?

Dans son premier roman, Carine Joaquim décrypte les mécaniques des esprits et des corps, les passions naissantes comme les relations détruites, les incompréhensions et les espoirs secrets qui embrasent ces vies.

Ma chronique :

De l’auto-édition à l’édition

C’est un exercice un peu particulier que de rédiger cette chronique. Si la maison d’édition qui a publié ce livre, La Manufacture de Livres, présente « Nos corps étrangers » comme « un premier roman publié », pour moi, il s’agit du quatrième livre de l’auteure, les trois premiers ayant été publiés en auto-édition. Et quelle auteure ! Je vous en ai parlé souvent, ici, de cette femme, qui écrit parfois sous le nom de Jo Rouxinol. La seule, avec Amélie Antoine — qui a rejoint les rangs de l’édition il y a déjà quelques années — à m’avoir émue aux larmes avec ses mots. Un de ses livres, le Rêve dévoré, est encore aujourd’hui un des plus beaux livres qu’il m’ait été donné de lire.

Je ne parle pas d’une histoire d’amour à l’eau de rose où les personnages se marient et vivent heureux. Non. Il s’agit d’émotion brute, douloureuse, de celles qui marquent une vie. Dans chacun de ses romans, Carine est d’une justesse émotionnelle incroyable, et insuffle une âme profonde à chacun de ses personnages.

Une histoire banale au départ, rendue extraordinaire par le prisme de l’auteure.

« Nos corps étrangers » raconte la vie d’une famille parisienne. Le père, la mère et une ado de 15 ans. Rien d’extraordinaire. Le couple bat de l’aile, et la famille déménage en banlieue sur l’impulsion de Stéphane, qui souhaite se donner une chance de se rapprocher de sa femme Élisabeth et de sa fille, Maëva. Cette dernière ne voit pas d’un bon œil le déménagement et exprime son mécontentement avec toute la puissance que l’adolescence lui confère. Évidemment, elle va dans le collège local.

carine joaquim - nos corps étrangersEt le collège, c’est le fil rouge des romans de Carine Joaquim. Dans chacun de ses romans, l’intrigue se déroule à un moment ou un autre, dans un collège. Et pour cause, elle est professeure d’Histoire-Géographie en banlieue parisienne. Alors les adolescents, elle les connaît par cœur. « Nos corps étrangers » peut-être interprété de plusieurs façons. Et alors que nous suivons principalement trois protagonistes, les trois membres de la famille, Carine donne un sens différent à ces mots pour chacune des intrigues.

Elle écrit simplement des histoires complexes et profondes. Quotidiennes. Sociales. Les thèmes abordés sont toujours actuels, mais difficiles. Je ne vous dévoilerais pas dans cette chronique ceux que l’auteure aborde dans ce roman, ce serait vous en dévoiler les différentes intrigues. Je peux juste vous dire que le livre traite de plusieurs sujets de société, avec justesse, sans parti-pris, mais avec une émotion rare. Sujets avec lesquels se débattront des personnages complets et complexes, dans une ville qu’ils ne connaissent pas, peuplée d’inconnus.

Et l’adaptation sera compliquée, pour Maëva évidemment, qui quitte ses ami(e)s et sa maison d’enfance, pour Stéphane, qui supporte les longs trajets quotidiens, mais aussi pour Élisabeth, qui a arrêté de travailler, et tente difficilement de se remettre à la peinture pour oublier les affres d’un mariage raté.  La plume de Carine Joaquim est là pour exposer les faits. Pour interpeller et faire réfléchir, sans juger. Pour montrer que ça n’arrive pas qu’aux autres. Et que rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Cette auteure a le talent particulier de raconter une histoire comme on prend une photo. Elle met en scène des personnages. Elle ajuste les lumières, règle les contrastes, s’assure d’avoir le bon cadre, et clic-clac Kodak ! À chaque lecteur, ensuite, d’interpréter, avec sa sensibilité, la photo.

Parce qu’il y a toujours un (petit) mais…

Mais voilà. Alors que dans ses trois premiers romans, elle livrait la prise de vue brute, j’ai l’impression que « Nos corps étrangers » a été retouché. Et c’est ce qui m’a gênée. J’ai trouvé le roman plus « lisse ». Sans aspérité. Alors que c’est justement le côté rugueux des émotions délivrées par la plume de Carine Joaquim qui me plaisait. Disons plutôt la plume de Jo Rouxinol. Parce que oui, j’ai l’impression qu’il y a un avant, et un après l’édition. Je ne sais pas si c’est le travail de l’éditeur qui se ressent, ou c’est l’écriture de l’auteure qui a simplement évolué.

Carine Joaquim - Nos corps étrangers

Néanmoins, je ne dis pas non plus que c’est négatif. En effet le livre est bon. Très bon. La psychologie des personnages est bluffante, les descriptions sont si détaillées que je visualisais le décor. Mais l’émotion est différente, plus « traditionnelle ». Moins brutale. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais j’y suis moins sensible. J’avais eu exactement la même impression quand Gipsy Paladini avait été éditée. Une impression de lisse, d’étouffement du style personnel et surtout caractéristique de l’auteure.

Je pense que cette différence n’impliquera qu’une chose : les lecteurs et les lectrices concerné(e)s par un ou plusieurs des thèmes abordés dans l’histoire seront touchés d’une manière bien plus importante que ceux qui ne le sont pas. Encore une fois, ce n’est pas un choix absurde. Cela assure plus de succès. Cependant je ne suis même pas certaine que cette différence vienne du travail de la maison d’édition. Pour être honnête, je suis certaine que j’aurais adhéré à « Nos corps étrangers » bien plus si je n’avais pas lu les trois livres précédents de Carine Joaquim. Mais je les ai lus. Je m’attendais à être soufflée, surtout en ayant lu les premiers retours après la sortie. Je ne l’ai pas été. J’ai retrouvé l’émotion qu’avaient dégagés les autres livres à un seul moment : la toute dernière scène.

En résumé

Cela ne m’a pas empêché de lire le livre en moins de trois heures, d’un seul trait parce que je ne pouvais pas le lâcher. Cela ne m’a pas empêchée de retrouver la justesse de Carine. Je sais que je répète souvent ce terme, mais il s’agit à mes yeux d’une qualité rare chez les auteurs contemporains et c’est quelque chose que j’apprécie énormément. Qui me touche particulièrement. Cela ne m’empêchera pas d’acheter tous les prochains romans de cette auteure dès leur sortie, comme je l’ai fait pour celui-ci. Et je vous engage fortement à faire de même. Et pour ceux qui découvrent Carine Joaquim avec ce roman, je vous conseille de découvrir les œuvres de Jo Rouxinol.

 

carine joaquim - nos corps étrangersInfos Pratiques

Date de sortie : 7 janvier 2021

Maison d’édition : La Manufacture de Livres

Prix du format numérique : 7.99€ (prix promotionnel il me semble)

Prix du format broché : 19.99€

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