Saint-Florentin-sur-Lot, 3 200 habitants coincés sur un isthme encadré par le Lot. La ville la plus isolée du département. Un marché, quelques troquets, la passion pour le rugby, les quelques commerces nécessaires et l’hôpital, le grand oublié du plan de délocalisation. Cet hôpital, c’est l’enfer de Julie, une interne en médecine qui y travaille depuis quelques mois. Ce soir-là, veille de week-end prolongé, elle est encore de garde. Tandis que la météo vire au Jugement dernier, les gendarmes amènent un patient transféré de l’hôpital psychiatrique. Atteint de malaria, il est plongé dans le coma depuis des mois, mais reste dangereux. L’eau monte, la nature se déchaîne, les morts et catastrophes inexplicables se multiplient dans l’hôpital. La nuit s’annonce longue, très longue…
Alors, je vous le dis tout de go, le bandeau rouge très alléchant m’a valu quelques désillusions par le passé. Mais dans le cas de Nuit blanche de Nicolas Druart, ce Prix du suspense psychologique 2018, présidé par Franck Thilliez, est à mon avis plus que mérité. Ce roman est en effet un huis-clos magistral qui représente une très belle découverte pour moi – et pourtant ce n’était pas facile de passer après l’excellent Ce qu’il nous reste de Julie de Sébastien Didier !
J’ai rencontré Nicolas Druart au salon du livre du Verdoyer 2020, au cours duquel, soit dit en passant, il a gagné le prix du salon avec son deuxième roman intitulé Jeu de dames, que je lirai d’ailleurs certainement dans un futur proche.
Nuit blanche se déroule dans un petit hôpital de province coupé du reste du monde pendant une nuit de tempête apocalyptique. Le décor du huit-clos est posé. Le milieu hospitalier est fort bien décrit, avec ses travers et ses manques, l’auteur le connaît parfaitement, il est lui-même infirmier. Les personnages ne sont pas justes effleurés, ils sont conséquents, denses, humains avant tout, parfois peints au vitriol, (vous allez adorer en détester certains) mais assez surprenants finalement car jamais figés dans ce qu’on attend d’eux. Humains et nuancés malgré tout.
L’ambiance est très anxiogène, d’abord parce que l’intrigue se déroule la nuit, mais aussi parce que l’orage est dantesque. Et puis l’électricité est coupée, ainsi que le réseau de téléphonie. Et puis les meurtres commencent. Et puis il y a ce comateux atteint de malaria qui fait peur à tout le monde. Evidemment, les personnages, en dehors des malades, ne sont pas nombreux, ils sont cinq soignants de garde. Alors les méninges se mettent en route : qui est l’assassin ? Est-il parmi eux ? C’est à petites touches, à coups de mots déterminants placés au bon moment et au bon endroit, souvent à la toute fin des chapitres, que Nicolas Druart nous emprisonne dans la toile qu’il a tissée. Il arrive à susciter un intérêt constant et sans faille, des questions et des suspicions à n’en plus finir, pour ses protagonistes comme pour le lecteur. Et j’adore ça ! J’ai pensé à la manière de faire de B. A. Paris, dont j’ai récemment découvert les romans, mais avec plus d’action. C’est tout autant psychologique, mais ça bouge plus. L’auteur fait entrer le thriller dans son roman à suspense et c’est extrêmement bien fait. On soupçonne tout le monde tour à tour, on imagine les scénarios les plus alambiqués et les plus différents. Même les chapitres intercalés concernant les rapports psychiatriques du patient comateux comportent leur lot de suspense et c’est diablement difficile de s’arrêter de tourner les pages. La révélation ou le petit mot d’accroche de la fin du chapitre nous laisse rarement le choix et on est obligé de continuer la lecture. Je vous en donne un exemple.
Extrait :
« (…) se loge entre son smartphone dépourvu de réseau, sa feuille de transmission (…), une paire de gants. Et un scalpel. »
L’auteur possède un réel sens du suspense et en joue tout du long. Il est croissant à chaque page, la tension monte à l’unisson, jusqu’à un final tout à fait éblouissant. Je dois avouer que, même si j’avais subodoré une partie de l’énigme en découvrant l’identité d’une certaine personne, je ne m’attendais pas à cette fin, à ces cinq petites et dernières lignes. J’encourage d’ailleurs fortement ceux qui ont pour habitude de jeter un œil à l’épilogue – et je sais qu’il y en a, bien que cela me paraisse aberrant – à surtout ne pas céder à leur envie, au risque de gâcher toute leur lecture.
Enfin je dirai pour terminer que l’écriture est tout à fait honnête, je n’ai relevé dans ce roman, qui est le tout premier de l’auteur rappelons-le, que quelques maladresses stylistiques qui ne sont que des broutilles de débutant et qui, je gage, auront disparu dès le suivant.
Je suis donc plus que curieuse et impatiente de découvrir Jeu de dames, mais aussi L’enclave, qui vient tout juste de sortir et à propos duquel j’ai déjà vu passer quelques très bonnes premières critiques.