Société XX – Bastien PANTALE – Auto-édition

Amorcée dès le milieu du 20ème siècle, l’émancipation des femmes devait logiquement conduire à l’égalité des sexes. Désillusion. Depuis le droit de vote jusqu’à une libération progressive de la parole, les progrès demeurèrent bien insuffisants. Aveuglés par une rancœur millénaire, les bastions du féminisme perdirent de vue leur revendication première, et s’avilirent dans un clivage des genres sans précédent. Jusqu’à la révolution démocratique. Jusqu’à la 6ème République.
Au pouvoir depuis lors, la majorité féministe se contenta d’inverser, de reproduire et d’amplifier les inégalités que ses prédécesseurs avaient longtemps entretenues.
Foulés au pied depuis des décennies, les droits des hommes ne se réduisent plus qu’à une somme de devoirs et de dévotion envers leurs contemporaines. En cette fin de 21ème siècle, alors que le modèle matriarcal tend à se généraliser, c’est la civilisation tout entière qui s’en trouverait menacée.
Les Maternalistes, farouches opposants à ces féministes radicales, ont bien perçu ce danger, et s’efforcent de faire entendre leur voix. Ana, modeste enseignante d’Histoire des Civilisations, et Togan, écrivain révolutionnaire de la première heure, se débattent et survivent dans une ville où chaque mot pourrait leur être reproché, où les hommes objetisés côtoient la répression, et où le concept de famille lui-même a perdu tout sens.
Quel avenir leur offrira la Société XX ?

J’attendais, comme à chaque fois, la sortie du dernier roman de Bastien Pantalé avec grande impatience. Cet auteur, qui manie la langue française avec beaucoup de finesse, est aussi très cultivé et aime à surprendre en s’essayant, avec bonheur, à des genres différents. Ici, il explore la dystopie, avec un conte moderne dont le sujet m’interpellait particulièrement :  l’évocation d’une société féministe.

Mêlant plusieurs thèmes : politique, économie, social, religion,  philosophie, morale, écologie et j’en passe, l’auteur nous révèle une vision très noire d’un monde gouverné par un groupe de femmes extrémistes et nous raconte l’histoire d’une révolution. Révolution menée par des hommes mais aussi, et surtout, par des femmes, qui ont compris qu’elles devaient se révéler plus intelligentes que les féministes au pouvoir, en occultant leur rancœur vis à vis des siècles passés sous le joug des hommes. Et aussi qu’elles n’étaient rien sans l’autre sexe, sans l’amour, sans le couple, sans la famille. Qu’elles n’étaient rien et surtout qu’il n’y avait pas d’avenir.

Un texte qui sort un peu du cadre du simple roman en se faisant critique, voire satire, et qui peut même se révéler parfois ardu pour qui ne chercherait qu’une lecture facile et divertissante. Je regrette juste peut-être que le côté « roman » n’ait pas été un tout petit peu plus développé ; il y avait selon moi matière à détailler plus en profondeur les personnages et leur vie. Mais ce n’est qu’un minuscule bémol par rapport aux qualités que présente ce livre.

Car l’auteur fait preuve, une fois encore, de sa parfaite maîtrise du choix des mots, de son intelligence et de sa profonde humanité, avec cette mise en garde sur les dérives possibles d’un mouvement au départ tout à fait justifié et louable, avec cette révolution sur fond d’histoire d’amour, avec cette vision terrible de l’Humanité, mais toujours baignée d’espoir.

Brillant !

 

%d blogueurs aiment cette page :