Arrivé en Russie en pleine révolution de 1905 et reparti en pleine guerre civile, le Suisse Pierre Gilliard (1879-1962) vécut dans l’intimité de Nicolas II, de son épouse Alexandra, de leurs quatre filles et de leur fils hémophile, dont il devint officiellement le précepteur en 1913. Tout en déplorant les erreurs de l’autocratie et l’influence de Raspoutine, il redoutait que la chute du tsarisme ne précipite le pays dans une sanglante anarchie. La tourmente de l’histoire resserra ses liens avec les Romanov : après avoir partagé volontairement leur captivité, il fut séparé d’eux moins d’un mois avant leur exécution. Ce témoignage dans lequel puisèrent nombre d’historiens n’avait pas été republié depuis les années 1930. Servi par un style presque romanesque, c’est pourtant une saisissante réalité qu’il restitue dans un compte à rebours tragique.
« L’Histoire est écrite par les vainqueurs » Winston Churchill.
Dans ce livre (je ne vous apprendrai pas beaucoup plus dans cette accroche que ce que dit la couverture), Pierre Gilliard précepteur des Romanov raconte sa vie à la cour de Russie, de la révolution (ratée) de 1905 jusqu’à l’année 1920 (après les 2 révolutions russes de 1917 donc). Ironiquement alors que je rallume mon ordinateur pour poursuivre, il affiche l’heure : 19 h 17.
Il me paraît de circonstance de le lire maintenant alors que le centenaire de la seconde révolution russe de 1917 approche.
Si vous ne connaissez le nom de Romanov que grâce au film Anastasia (film tout sauf historiquement correct), à amicalement vôtre (épisode « l’héritage Ozerov », mon deuxième épisode préféré de cette excellente série derrière « un drôle d’oiseau ») ou aux vengeurs (le nom de la veuve noire est Natasha Romanoff) ou encore si vous ne connaissez le nom Raspoutine que par les X-Men (Colossus s’appelle en réalité Peter ou Piotr Rasputine) ou la chanson de Boney M, alors ce livre est fait pour vous.
Je n’en reviens pas de la chance que j’ai eu en trouvant ce livre en fouillant dans le rayon « Histoire de la Russie » de la bibliothèque où je me rends. Il m’est encore difficile de croire que ce témoignage remarquable ait pu parvenir jusqu’à nous.
Ce livre est pour tout le monde. Les néophytes, comme les passionnés et les amateurs, ont tous des choses à découvrir et à apprendre grâce à ce livre. Je vais être honnête avec vous, j’ai redécouvert une période de l’Histoire que je croyais bien connaître grâce à ce livre. Rares sont ceux qui n’apprendraient rien de passionnant en le lisant.
Voici quelques exemples des choses que j’ai redécouvertes (et encore, je ne puis vous donner tous les détails concernant ces quelques exemples) :
– Raspoutine : J’ai à présent une meilleure connaissance de ce personnage. Maintenant je comprends comment et pourquoi il est parvenu à entrer au service de l’impératrice. Mais je n’ai guère compris le reste de ce qui le concerne.
–Kerenski : J’ai découvert des choses surprenantes et intéressantes concernant ce personnage qui eût un rôle central dans l’Histoire de la Russie.
–Guerre : Alors là, l’auteur est brillant. Moi qui ai étudié en amateur ce conflit un nombre incalculable de fois et qui suis un grand fan de l’ultime vidéaste spécialiste de la guerre de la Première Guerre mondiale « The Great War » (si vous ne connaissez pas sa chaîne, allez la voir de toute urgence, car il réalise un travail aussi magistral et spectaculaire que gargantuesque et passionnant https://www.youtube.com/user/TheGreatWar/videos) j’ai redécouvert de nombreuses choses sur ce sujet grâce à ce livre.
–Abdication : Sans doute la plus grande redécouverte que ce livre permet. Je ne l’imaginais pas comme ça. C’est un moment puissant, c’est la chute, un basculement pour le monde entier et pourtant le Tsar avait tout prévu, mais celui qu’il choisit comme son successeur fit un choix inattendu en lourd de conséquences.
–Hémophilie : Les lectures des témoignages chroniqués précédemment me permirent d’apprendre beaucoup de choses concernant blessures, opérations et maladies. Et pourtant, là j’ai été cloué sur place… Et moi qui me disais que la maladie du Tsarévitch (que Raspoutine devait soigner) n’était pas si grave que ça, j’aurais dû me taire et me renseigner. Une leçon de modestie magistrale pour moi.
–Tsar : J’ai découvert des facettes de ce monarque qui ne manquèrent pas de me fasciner. Je sais que l’auteur aurait été capable de chercher à améliorer son image, mais vu qu’il cite les défauts de nombreuses personnes, je ne pense pas que ce fût le cas.
–Société : J’ai à nouveau été confronté à l’état dans lequel se trouvait le peuple comparé au clergé et à l’aristocratie. Du quasi-féodalisme après tant d’industrialisation dans le monde, il faut le relire pour le croire (cela dit, il me semble que même si la Russie était encore très rurale en ces temps-là, l’industrialisation et la modernisation étaient présentes mais lentes et en cours d’une certaine façon, cependant je n’ai pas les connaissances nécessaires pour affirmer quoique ce soit).
–Anastasia : Comment ne pas parler de la célèbre controverse historique sur la survie présumée de la grande-duchesse Anastasia ? Ce livre vous répétera à plusieurs reprises que c’est une imposture (à la fin du livre, l’auteur démasque même un imposteur se faisant passer pour le Tsarévitch qui finit par reconnaître son mensonge peu après). Mais je reste convaincu que c’est la vraie (avis n’engageant que moi). C’est la seule explication possible que je trouve après avoir vu l’épisode des « théories du monde » sur ce sujet (si vous ne l’avez pas vu, allez le voir, il est neutre, passionnant et parfaitement réalisé).
–Photos : Mon péché mignon en termes de témoignages. J’avais oublié de mentionner ce détail dans mes 2 précédentes chroniques. Au milieu du livre, il y a une série de photographies (chaque image ayant sa légende) des personnages (en général). Cela introduit une plus grande notion de proximité avec les protagonistes après les écrits en plus d’être un élégant marqueur.
–Astérisques : Un travail (qui je l’imagine fut difficile et plein d’émotion) de l’auteur et que j’apprécie tout particulièrement. Durant la lecture de ce livre, vous allez sûrement vous demander ce qu’il advint de certaines personnes mentionnées dont on ne parle plus après. L’auteur y remédie en plaçant un astérisque chaque fois qu’il parle de cette personne pour la dernière fois (ce n’est pas le seul usage qu’il en fait) et explique ce qu’il est advenu de la personne en question (ce qui est rassurant même lorsque le destin de ladite personne est tragique).
–Lénine : Je n’avais pas réalisé avant de lire ce livre qu’il était si impliqué dans la mort de la famille de l’ancien Tsar Nicolas II. Je n’avais pas non plus réalisé à quel point la menace des partisans du Tsar (l’Armée blanche comme on la nomme) était si proche que ça (cette menace était la raison officielle de « l’exécution »). Il faut que je comprenne comment l’armée rouge de Trotski acculée et seule contre tous est parvenue à l’emporter. Et puis pourquoi ne nous parle-t-on jamais de la passionnante guerre civile russe à l’école dans tout ça ?
Pour moi ce livre montre bien comment l’Histoire fut écrite par les vainqueurs. On redécouvre totalement des personnes plus ou moins diabolisées, romancées ou transformées de manière générale. Je suis convaincu que l’auteur est objectif, vous avez le droit de ne pas être d’accord avec moi, mais dans ce cas-là il vous faut lire ce livre, si vous souhaitez me prouver que je me trompe (oui je tiens vraiment à vous le faire lire, c’est juste qu’il est si excellent).
Il y a encore beaucoup à dire, mais je ne veux pas vous priver du plaisir que vous éprouverez en découvrant le contenu de cet incroyable livre.
En tout cas si un jour (j’en rêve) je visite la Russie, je connaîtrai d’autres lieux à visiter.
Dans ma prochaine chronique, nous constaterons les effets des événements relatés dans ce livre, puis je chroniquerais d’autres catégories de livres pendant un temps. J’en profiterais pour essayer de retravailler ma présentation.
J’espère que ce livre vous plaira et que cette chronique vous a fait plaisir. Je vous souhaite une bonne rentrée et une bonne lecture. Encore une fois toutes mes excuses et à bientôt.